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Je compte, donc... je compte !

L'argent au service de nos projets et de notre humanité
Et oui, nous avons osé. Nous vous avons préparé un numéro de l'écharpe consacré à l'argent. Un des grands tabous de nos sociétés. Et c'est bien sûr sans aucun rapport avec la crise que nous traversons... :-)
Dès que nous commençons à parler d'argent, ça y est, nous rentrons dans le domaine du compliqué, du symbolique. Alors que, dans d'autres domaines, nous sommes capables de gérer des situations autrement plus complexes, dès qu'il s'agit d'argent, c'est comme si nous perdions notre capacité de recul.
Ajoutons à cela la confusion au niveau psychologique, et voilà qu'au fil des siècles, nous nous sommes mis à amalgamer l'argent avec beaucoup de choses : richesse, pouvoir, contrôle, indépendance, liberté, besoin ou même amour. Nous en avons même fait un but en soi : gagner de l'argent, et nous avons inventé un concept bien catastrophique pour notre époque : le pouvoir d'achat (le copain du but lucratif).

Nous vous proposons ici de réexplorer notre rapport à l'argent, et à la consommation. A l'inverse de consommer pour valider notre importance, nous pouvons nous donner la permission de compter, dans les 2 sens. Chacun d'entre nous est une personne unique, irremplaçable et précieuse pour l'humanité, en ce sens là nous comptons pour le monde, en commençant par nous-mêmes. Et à partir de là, nous pouvons compter notre argent, ce concept fabuleux inventé et partagé par les humains et pour les humains, facilitateur de rêves, de projets et d'aventures humaines.

Un peu d'histoire

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Une des caractéristiques de l'être humain, c'est qu'il est social. Depuis notre apparition sur terre, notre survie est due au fait que nous fonctionnons ensemble, et donc que nous échangeons des biens matériels et immatériels entre nous. C'est ce principe d'échange entre êtres humains qui a conduit à toutes les grandes évolutions de notre civilisation: l'écriture a été très vite utilisée pour noter qui devait quoi à qui (c'est à dire les dettes), puis les nombres ont été inventés pour quantifier et mesurer les biens échangés, puis les écoles pour enseigner la lecture, l'écriture et le calcul, puis les tribunaux pour régler les litiges dans les échanges.

Aux alentours du 6ème siècle avant Jésus Christ, apparaissent les monnaies en métal précieux qui servent de valeur de référence aux échanges. En parallèle, se développent les systèmes de mesures universels, les mathématiques, la littérature, l'éthique, la philosophie etc... Viendront ensuite les monnaies papier, qui n'ont aujourd'hui plus d'équivalent stable en métal précieux, les banques, le développement industriel, puis les monnaies dématérialisées et la bourse. Tout cela pour nous permettre d'échanger de plus en plus aisément entre nous. C'est donc quand même très pratique d'avoir une mesure commune qui sert de support à un grand nombre de nos échanges ! Comme ça, quoique nous produisions, nous pouvons l'échanger contre une certaine quantité de cette mesure pour nous procurer n'importe quel autre bien. Comme je peux avoir 1 litre ou 8 litres de sable, je peux avoir 5, 10 ou 50 Euros qui ont un possibilité d'utilisation très large car acceptée par un très grand nombre d'êtres humains. Et de nos jours, plus nous interagissons au delà de nos frontières, plus nous uniformisons nos références (monnaies, systèmes de mesures). L'argent est donc une formidable invention, basée sur notre besoin d'échanges pacifiques et sur des accords communs plus ou moins conscients.
Notons tout de suite que même si beaucoup partagent ce concept, ce n'est pas le cas de toute la population de la planète (certaines tribus pratiquent simplement le troc, par exemple) et que tout n'a pas une mesure en argent. Un lien familial, une amitié, l'amour, le bonheur n'ont pas de prix alors que ce sont des choses de grande valeur.
Pourquoi, alors, l'argent est-il si souvent synonyme de discorde ?

La valeur des choses

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Comme l'argent sert de mesure à nos échanges, nous avons tendance à confondre la valeur que nous donnons aux choses avec leur valeur en argent (monnaie en fait). Une expression comme "l'amour n'a pas de prix" illustre bien que ce qui touche à nos besoins essentiels n'est pas toujours monnayable, ou que sa valeur en argent ne représente qu'une partie de ce qu'il faut considérer.
Prenons par exemple la nourriture. Dans quelle mesure la valeur en argent de ce que nous consommons représente la valeur que nous donnons au fait que cela nous permet de vivre, partager des moments de plaisir, et puis aussi de bénéficier de tout ce qui a permis à cette nourriture de venir jusqu'à nous : matières premières, énergie, soin et travail nécessaire à sa production ?
Dans le cas des ressources naturelles, l'eau, l'air, le pétrole, les poissons, etc... il y a une décorrélation peut-être encore plus grande entre la valeur que nous donnons aux choses et la valorisation monétaire de ces ressources. Cette dernière dépend en effet essentiellement des caractéristiques du "marché" et donc de l'offre et de la demande, de la spéculation, des stratégies d'investissement des acteurs du marché,...
Or l'argent devenant de plus en plus dématérialisé, il est extensible nous pouvons en inventer autant que nous voulons. Par contre, les ressources de notre planète, elles, le sont beaucoup moins.
Nos comportements sont en train de changer face à cela. De plus en plus, nous nous posons des questions du genre : d'où vient ce bien, quel est son empreinte carbone, comment a-t-il été produit, quel impact sur les milieux aquatiques etc...
Si nous considérons que la valeur en argent des choses n'est qu'une convention entre les humains, qui se matérialise au moment de l'échange et que nous considérons que nos sociétés ont un avenir grâce à la confiance et à la coopération, cela nous ouvre plein de pistes pour utiliser notre argent. Nous pouvons investir joyeusement notre responsabilité en prenant en compte la valeur des choses au delà de leur valeur monétaire. Nous pouvons alors, en quelque sorte, donner plus de prix à notre façon d'utiliser notre argent.

Jamais assez...

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Ce qui fait notre prospérité, notre vie et notre épanouissement c'est notre caractère social et coopératif et notre créativité. A l'inverse, ce qui est souvent à l'origine de nos conflits, de nos comportements destructeurs et dévastateurs, c'est notre caractère insatiable, le principe du "jamais assez" ou du "toujours plus". Plus que ce que nous avions eu hier, plus que notre voisin, plus que ce dont nous aurions besoin sur le moment, pour compenser une contrariété ou répondre à une insécurité. Il est vrai que, du temps de nos origines, c'était plutôt judicieux, quand il n'y avait pas trop de prédateurs aux alentours, de nous gaver au maximum puis de faire des stocks de nourriture, parce que nous ne savions jamais quand nous aurions de nouvelles occasions de nous rassasier. Ensuite, en temps de guerre, de famine, d'épidémies, les denrées se faisaient plus rares, et il était sage d'avoir des réserves importantes.

Aujourd'hui, si le principe de faire des réserves est toujours adapté, il doit rester dans la mesure. Mais nous avons conservé cette peur de manquer. Alors nous produisons trop, nous consommons trop, allant même jusqu'à privilégier la quantité sur la qualité, et nous jetons. C'est d'ailleurs sur ce principe que se basent beaucoup de systèmes de publicités. Il suffit d'appuyer sur nos manques et nos peurs, pour que nous achetions ce qui nous est proposé. Comme en plus, ces manques ne seront jamais comblés car il s'agit de situations passées, nous en voulons toujours plus, nous ne sommes jamais satisfaits. C'est le même principe pour l'argent. Il peut venir en compensation de manques. Au travail, par exemple, nous pouvons nous sentir en manque de reconnaissance, et nous attendons, à la fin du mois une prime ou une augmentation de salaire qui nous permettrait d'obtenir cette reconnaissance. Or, comme ce n'est pas de l'argent que nous souhaitons, mais plutôt que notre manager ou que nos collègues reconnaissent la valeur de notre travail, la prime ou l'augmentation que nous allons recevoir ne sera jamais suffisante.
La fortune d'une personne est devenue au fil du temps, un critère de réussite et de valorisation sociale majeur, laissant de côté d'autres chose bien plus propices à l'épanouissement de la personne et de notre société toute entière comme la culture, la compétence, l'autonomie, l'éthique,...

Si nous regardons nos systèmes économiques, ils sont en grande partie favorisants de ce "toujours plus". Cela donne des systèmes boursiers où les opérations d'achat-vente se font à la microseconde, les systèmes bancaires où nous cherchons les "placements" qui vont nous permettre d'accumuler toujours plus d'argent, même si nous n'avons aucune idée de ce qui est fait avec notre argent, ni aucun projet à financer avec ce que nous aurons "gagné".



La bonne nouvelle c'est que nous ne sommes pas impuissants face à nos manques. Nous pouvons en prendre conscience, identifier qu'ils sont liés à des traumatismes du passé et tenter d'en faire deuil. Ainsi, nous pourrons cheminer par rapport à nos envies de toujours plus et nous tourner davantage vers la prise en compte de nos besoins.

Développer notre autonomie en prenant en compte nos besoins

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C'est vrai, cela fait plusieurs fois que nous vous parlons des besoins. Cette fois, laissons la parole à cette vidéo de la série "Et tout le monde s'en fout" pour l'entrée en matière. Vous pouvez aussi lire le chapitre sur les besoins de l'écharpe #16

En résumé de tout cela, un besoin, c'est quelque chose qui est indispensable à notre vie. Alors quel lien entre besoins, autonomie et argent ? Déjà, avoir de l'argent n'est pas, n'a jamais été, et ne sera jamais un besoin de base de l'être humain. L'argent est un moyen, une mesure, un concept partagé (et utile à nos sociétés pour probablement assez longtemps encore). Il n'est donc pas fait pour être suraccumulé, il est fait pour circuler, pacifiquement et de préférence dans la coopération pour faciliter la satisfaction des besoins de chacun à long terme.
C'est ici qu'entre en jeu notre autonomie, c'est à dire, notre capacité à répondre à nos besoins, de façon responsable et dans le lien aux autres. Il s'agit donc de mobiliser nos ressources, en mettant notre énergie pour atteindre nos objectifs, sans attendre des autres qu'ils devinent nos attentes, mais en faisant des demandes et en coopérant pour avoir ce qui est bon pour nous, pour les autres et dans le respect de notre planète.
L'aide est bienvenue (par exemple en cette période de crise sanitaire) si elle ne va pas jusqu'à une mise en dépendance. C'est d'autant plus difficile que notre société considère plus ou moins explicitement que la croissance matérielle est une finalité et met en place des systèmes d'aide très complexes dans des logiques qui peuvent aller jusqu'à une mise en dépendance. La population se partage alors entre pauvres et riches d'argent.
Nous avons vocation à utiliser notre argent, dans une éthique respectueuse, vertueuse et sensée. Nous pouvons dépenser et investir dans des activités adaptées contribuant ainsi à l'augmentation de la richesse commune. Nous pourrions arrêter les projets qui saccagent notre planète, revaloriser les biens qui sont vraiment utiles à notre vie et à notre épanouissement, aller humblement vers un système d'entraide où il n'y a plus de pauvres ni de riches, mais où chacun donne et reçoit dans un équilibre équitable (et non égal), profitable au bien commun, et où l'argent vient faciliter cela.
C'est évidement très ambitieux et prendra du temps, mais avons nous d'autres choix acceptables ? Nous pourrions commencer en nous laissant imaginer des utopies, et ce n'est pas facile, si nous prenons en compte les histoires négatives qui circulent autour de nous, que ce soit au cinéma, dans les infos, dans nos échanges et dans la littérature. Nous avons besoin de faire de la place aux projets et visions positives, de nous laisser rêver et de partager ces rêves.

Reconnaitre notre valeur

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En tant qu’êtres humains, nous avons tous de la valeur. Une valeur inestimable, inaltérable, liée à ce que nous sommes profondément, qui ne peut pas s'échanger, et donc ne pourra jamais se mesurer en argent.
Si nous nous reconnaissons cela, fini les logiques de « je veux toujours plus d’argent », « je ne mérite pas de faire cette dépense pour moi » ou encore « je n’ai pas les moyens » . Nous pouvons simplement contacter ce qui nous tient vraiment à cœur et mobiliser nos ressources pour l'obtenir, choisir de ne pas réaliser cette dépense si elle ne nous est pas si essentielle, ou encore trouver un autre moyen d'arriver à notre objectif. Bref, nous pouvons gérer nos choix de vie, les projets que nous entreprenons, et au service de cela, notre argent.
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L'argent est une mesure conventionnelle et partagée au service de la réalisation de nos rêves et de nos ambitions. C'est un facilitateur d'échanges, en lien avec la coopération et la confiance que nous avons les uns envers les autres.
Pour contribuer à trouver à l'argent une juste place dans nos sociétés, nous avons chacun notre rôle à jouer. Nous pouvons:
- nous demander : qu'est ce que l'argent pour moi ?
- inventer et partager des utopies
- créer des projets qui font vraiment sens pour nous, notre espèce, notre planète
- identifier les moyens, financiers, humains, matériels, temporels dont nous avons besoin pour les réaliser
- nous connecter à nos besoins du moment et y répondre
- gérer nos moyens et ajuster notre démarche au fur et à mesure de notre avancement
- contribuer à l'entraide humaine et en bénéficier en restant responsables

Nous espérons que ces réflexions vous aurons stimulés et vous souhaitons beaucoup de joie avec vos ressources monétaires ou autres
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