Le recul : un pas de côté pour aller plus loin

Depuis le début du mois de mai, le "déconfinement" est sur toutes les lèvres. C'est officiel, nous pouvons ressortir sans attestation, les enfants reprennent progressivement le chemin de l'école. Et en même temps, nous entendons que le virus est toujours là, qu'un deuxième pic entraînant un "reconfinement" est possible, que les personnes dites "à risque" sont toujours confinées, que suivant les écoles, les enfants ne retourneront pas tous en classe et que le télétravail reste fortement recommandé. De plus, cette sortie du confinement vise à revenir progressivement à des activités "normales". Or, cette parenthèse du confinement, pour certains d'entre nous, est une expérience transformante. Nous sommes passés par les étapes de deuil. Nous avons dû gérer le stress et réorganiser notre emploi du temps. Ce chemin a eu un impact sur notre façon de voir les choses et nous a peut-être permis d'ouvrir des perspectives sur une autre manière de vivre, d'être en relation avec ce qui est essentiel pour nous, et nous ne pouvons plus revenir à notre vie d'avant, comme si rien ne s'était passé.

Cela nous invite à nous poser des questions comme : "Où est-ce que j'en suis de cette expérience ? Où est-ce que tout cela m'amène ? Est-ce vraiment là où j'ai envie d'être ? Quels impacts mes actions ont-elles sur moi-même, les autres, le monde ? Est-ce que je suis vraiment en paix, satisfait(e) de ma façon de vivre ?"

A ces questions de sens s'ajoutent également des préoccupations plus basiques comme : "Est-ce que je remets mes enfants à l'école ? Est-ce que je reprends le travail en présentiel ? Est-ce que je pars en vacances cet été, et où ? Est-ce que je mets un masque pour sortir ?"

C'est là que le recul entre en jeu. Nous avons besoin de temps pour faire le point sur notre situation et faire des choix en conscience pour la suite. Sinon, nous subissons, soit dans la soumission, soit dans la rébellion. C'est parfois bien pratique parce que nous n'avons pas à nous poser de question, et en même temps, c'est renoncer à notre liberté.

Maintenant que nous avons dit ça, par où commencer ? 

Nous vous proposons un cheminement pour cela avec six questions clé : 

1 - Quels sont les faits que nous observons ?

2 - Qu'est-ce que nous ressentons ?

3 - De quoi avons-nous vraiment besoin ? 

4- Quelles sont nos envies ?

5 -Qu'est-ce qui fait sens ?

6- Quelles permissions nous donnons nous ?

Si vous avez envie de réfléchir à ces questions, nous vous proposons de vous rendre vraiment disponibles pour vous, en vous installant confortablement, au calme. Dans la suite de cette newsletter, nous allons proposer des éclairages et exercices pour chaque question. Certains vous inspirerons peut-être et d'autres peut-être moins. Nous vous invitons à vous écouter, à tester ce qui vous parle et à laisser de côté ce qui ne vous parle pas, tout simplement.

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Les faits

C'est la réponse à la question : qu'est ce qui se passe concrètement ? L'identification des faits en appelle à notre sens de l'observation, nous invite à revenir à ce que nous captons avec nos 5 sens : ce que nous voyons, ce que nous entendons, ce que nous sentons, ce que nous goûtons, ce que nous touchons, sans interprétation, sans confondre les modèles et le monde réel, et sans jugement. Cela peut paraître simple, mais si nous prenons le temps de nous observer fonctionner, les faits ne sont pas si souvent présents dans nos communications.

Par exemple, les chiffres, les modèles scientifiques ne sont pas les faits. Ils sont une représentation des faits qui peut être très utile mais qui n'est pas le monde réel. Ainsi, quand nous voyons dans les médias le pourcentage de malades du COVID du jour, le fait c'est : nous avons vu ou entendu une phrase qui indique un pourcentage de malades du jour. Reste à savoir comment il est calculé, quel échantillon est pris en compte, quelle tranche d'âge, sur quelle plage horaire..., et puis aussi quels sont les symptômes de ces personnes, qu'est-ce que cela signifie concrètement. Revenir aux faits c'est revenir à quelque chose de plus simple que les titres des journaux, c'est appréhender les choses avec bons sens, simplicité, mesure. C'est un peu comme lorsque nous prenons des photos pour nous souvenir d'endroits qui nous ont marqués. La photo n'est pas le paysage, elle ne nous dit rien des odeurs, bruits, de ce qui s'y passe chaque jour, et ne nous montre qu'une partie de ce que nous pouvons voir sur place. C'est une indication utile sûrement, si nous la gardons à sa juste place : une image instantanée, prise à un certain moment et d'un certain point de vue. 

Attention également aux généralisations qui ne sont pas des faits, comme par exemple : les écoles ne sont pas prêtes à recevoir les enfants. L'invitation ici est de préciser : de quelles écoles parle-t-on ? Qui m'a dit quoi exactement ? Qu'est-ce que cela veut dire être prêt dans la situation actuelle ? Quelles sont les informations précises que j'ai reçu de la part de l'école de mes enfants ? De qui parle-t-on exactement quand nous disons "les écoles ne sont pas prêtes..." ?

Ensuite, les interprétations, les jugements, nos croyances ne sont pas des faits. Ainsi, si j'ai appelé 2 fois une personne, qu'elle ne m'a pas rappelé, et que j'en tire la conclusion : cette personne m'ignore, ce n'est pas un fait. C'est mon interprétation. Ce qui se passe c'est simplement : j'ai appelé 2 fois cette personne et elle ne m'a pas rappelé. C'est tout. Si je dis : cette personne m'ignore, je suis en train de mélanger les faits et mon interprétation, dans laquelle mon ressenti subjectif a sa part. 

Enfin, les prédictions, les choses que nous envisageons pour le futur ne sont jamais des faits. Ce sont des suppositions, des hypothèses certes utiles pour avancer, mais pas des choses factuelles. En fait, ce qui va se passer demain, nous n'en savons jamais rien. Il peut toujours y avoir des imprévus, des surprises. Il est donc important d'observer si nos hypothèses se confirment ou pas, et de nous adapter en conséquence.

Dans notre démarche de prise de recul, nous pouvons donc commencer par noter les faits, de manière précise et détachée. Si nous nous positionnions comme une personne extérieure à la situation, qu'est-ce que nous observerions, sans jugement, en lâchant nos à priori ?

Cela pourra donner des choses comme : qu'est ce qui se passe concrètement dans notre vie aujourd'hui, qu'est-ce que nous observons sur notre emploi du temps, sur comment nous dormons, mangeons, sommes en relations, travaillons. Qu'est-ce que nous voyons d'utile sur ce que nous observons chez les autres et dans le monde ?

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Notre ressenti

Notre ressenti, c'est ce qui se passe à l'intérieur de nous, c'est la manière dont nous vivons les situations avec nos émotions. Ce n'est ni plus, ni moins important que les faits, c'est à un autre niveau. Distinguer ces deux niveaux nous permet de sortir d'une sorte d'amalgame, de confusion, souvent très présente dans notre société. En guise d'intro, nous vous proposons un petit film sur les émotions, cliquez sur l'image ci-contre, la vidéo démarre toute seule.

Une émotion, c'est un signal de notre corps, c'est comme la sensation de faim, de soif, d'avoir envie de dormir ou d'aller aux toilettes. Cela nous indique que nous avons un besoin à satisfaire. Là où la faim et la soif nous indiquent des besoins d'ordre physiologique, les émotions nous indiquent des besoins d'ordre psychologique. Elles ne sont donc ni "bien" ni "mal", elles sont toutes utiles et précieuses pour prendre soin de notre santé psychique. Et surtout, nous ne pouvons pas contrôler l'émotion que nous ressentons, ce serait comme vouloir contrôler notre sensation de faim. Nous pouvons choisir ce que nous en faisons mais certainement pas choisir de ne pas avoir faim. Pour les émotions, c'est pareil. L'idée, ce n'est donc pas de maîtriser nos émotions mais de nous gérer avec elles. Avec un peu d'entraînement, cela devient même, nous gérer grâce à elles.

Dans notre modèle, il y a quatre émotions et nous vous proposons de faire ou refaire connaissance avec ces 4 alliées de notre bien-être :

- La peur : c'est notre signal Attention, danger ! Notre énergie fuit la périphérie de notre corps et se concentre vers les systèmes vitaux - organes, cœur, cerveau. Nous blêmissons, et tremblons de peur. Elle nous indique un besoin de sécurité, d'être rassurés. Souvent, la peur est perçue comme un signe de faiblesse, ce qui fait qu'elle est ignorée, cachée ou combattue. C'est d'ailleurs ce mécanisme qui fait que nous pouvons alors avoir peur d'avoir peur, parce que nous craignons d'être freinés, de devenir faibles, de ne plus pouvoir agir. La peur peut alors se transformer en angoisse. Elle n'est plus reliée au danger, nous nous coupons de nos ressources et avons une sensation de peur déconnectée de la réalité. Si nous acceptons d'accueillir cette émotion, c'est une sacrée alliée. C'est grâce à elle que nous pourrons nous protéger et découvrir de nouvelles choses. C'est en acceptant de regarder les risques et en posant les protections adaptées que nous pouvons avancer vers l'inconnu.

- La colère : c'est notre pédale de turbo. Quand nous sommes face à une situation qui ne nous convient pas, la colère est la montée d'énergie pour nous permettre de changer cette situation. Nous devenons tout rouge, nous avons de la tension au niveau des mains, des pieds, de la mâchoire, nous tournons comme un lion en cage, il nous faut agir ! Changer les choses !  Bien souvent, la colère est mal acceptée, car nous la confondons avec la violence, qui, elle, est destructrice. Du coup, nous préférons la contenir et la retourner contre nous-mêmes, ce qui donne la culpabilité, qui est une autre forme de violence, psychologique celle-là. Pourtant, la colère nous indique un besoin d'être reconnu et respecté dans notre territoire et/ou dans nos valeurs. C'est grâce à elle que nous pouvons identifier ce qui ne nous convient pas, poser les limites avec bienveillance et nous affirmer. C'est parce que nous pouvons dire non quand nous en avons besoin que nous sommes capables de dire vraiment oui. 

- La tristesse : c'est notre centrale de nettoyage émotionnel. La colère nous indique ce qui ne nous convient pas, fait monter notre énergie pour que cela change, et parfois, il y a des choses que nous ne pouvons pas changer. C'est là que la tristesse intervient. Elle va nous permettre d'accepter ce que nous ne pouvons pas changer. Beaucoup la perçoivent comme mal venue, craignent la dépression pathologique. Eh oui, quand nous sommes tristes, notre énergie est très basse, elle s'évacue de notre corps, c'est la dé--pression, la cocotte-minute qui évacue son trop plein de vapeur. Nous pouvons nous sentir fatigués et avoir besoin de sommeil. C'est un peu comme l'hiver, nous avons l'impression que la vie s'arrête, mais en fait, elle se réinitialise. Elle se prépare pour passer à autre chose et vivre un nouveau cycle. La tristesse, c'est l'arme fatale du lâcher-prise. Elle nous indique un besoin d'appartenance, de nous sentir aimés inconditionnellement et acceptés tels que nous sommes. Bien sûr, en période de tristesse, nous n'avons pas envie de voir grand monde, c'est normal, nous ne sommes pas disponibles pour du lien social. Par contre, nous avons besoin de relations de qualité, d'amour, d'être entourés de nos proches, d'être bienveillants avec nous-mêmes et de prendre soin de nous.

- La joie : c'est notre carburant de vie. Et celle-là, c'est une énergie fortement renouvelable ! La joie recharge nos batteries, fait circuler un flux de vitalité, nous sommes remplis d'énergie et nous rayonnons. La joie, c'est ce qui nous indique que ce que nous sommes en train de vivre est bon pour nous, que nous avons à continuer dans cette direction. Là encore, la joie n'est pas toujours bien perçue, surtout quand il s'agit de la joie que nous éprouvons quand nous avons accompli quelque chose, c'est à dire la fierté. Être fier, dans nos sociétés, c'est souvent perçu comme de l'orgueil, c'est déplacé, ça ne se fait pas. Pourtant, c'est l'élément essentiel pour construire notre confiance en nous. C'est en reconnaissant nos réussites personnelles que nous pouvons identifier nos ressources et les ancrer durablement. En plus, la joie, ça se partage, ça se célèbre et ça se fête ! C'est la seule émotion qui est communicative dans le sens où si quelqu'un est vraiment joyeux, les autres sont joyeux de le voir joyeux. Autrement dit, à un niveau psychologique, cela signifie que c'est bon pour nous que les autres vivent ce qui est bon pour eux. Nous sommes câblés pour fonctionner de façon à ce que chacun trouve son compte à l'affaire. C'est quand même bien fait la nature !

Bon alors, évidemment, chaque émotion a des degrés : la peur va de la préoccupation, ou de l'inquiétude à la terreur, la colère va de l'agacement à la fureur, la tristesse va de la petite baisse de moral au profond chagrin, et la joie va du petit plaisir à l'euphorie.

Avec tout cela, revenons donc à notre exercice de recul. Si nous reprenons notre exemple de tout à l'heure : j'ai appelé cette personne 2 fois, elle ne m'a pas rappelé. Qu'est-ce que je ressens ? Nous pouvons alors faire un tableau à 4 cases, une par émotion et noter ce qui s'y rapporte. Par exemple :

- Peur : j'ai peur d'avoir fait quelque chose qui aurait déplu à cette personne et qu'elle m'en veuille.

- Colère : je ne me sens pas respecté, il était convenu que nous avions rendez-vous au téléphone et c'était important pour moi.

- Tristesse : j'ai modifié mes plans pour être disponible pour ce coup de fil alors que j'avais l'opportunité de faire autre chose qui me plaisait beaucoup 

- Joie : Je me rends compte que j'aime vraiment beaucoup cette personne et que notre relation est importante pour moi.

Identifier et nommer nos émotions, voire encore mieux les partager à quelqu’un d'autre, nous permet de clarifier une situation et son impact sur nous, mais aussi d'accéder à la richesse de nos ressources. C'est clarifier nos besoins et les leviers que nous avons pour avancer, en agissant sur nous ou dans le monde.

Et vous, quelles sont les émotions que vous vivez aujourd’hui, à l'instant, quand vous lisez ce texte ou quand vous pensez à des choses qui vous sont arrivées ?

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Nos besoins

Les émotions sont les indicateurs de nos besoins, comme les voyants d'un tableau de bord.

Un besoin, c'est quelque chose de vital. Si nos besoins ne sont pas satisfaits durablement et de manière répétitive, c'est notre santé qui est en danger et cela peut aller jusqu'à une question de survie. Bien sûr, suivant le besoin en cause, cela va prendre plus ou moins de temps. Par exemple, si nous ne pouvons plus respirer, nous allons pouvoir tenir quelques minutes maximum, en revanche, si nous sommes privés de reconnaissance, nous pourrons fonctionner plus longtemps avant que cela devienne problématique. La rencontre de nos besoins est donc essentielle pour notre équilibre physique et psychologique. C'est ce qui distingue le besoin de l'envie ou du désir.

Pour nous aider dans notre cheminement, il peut être utile d'avoir un modèle pour nous représenter nos différents niveaux de besoin. En voici un, inspiré de la pyramide d'Abraham Maslow que nous avons adaptée.

A la base de la pyramide, il y a notre besoin de sécurité : avoir un toit, un espace, de quoi manger et nous sentir en sécurité. Par exemple, si nous sommes en train d'avoir un moment sympa en famille et qu'un incendie se déclare, la conversation attendra, nous éteignons d'abord le feu. C'est d'ailleurs ce qui se passe dans la situation actuelle liée au COVID-19. Nous y avons collectivement vu une menace sur notre besoin de sécurité, le confinement est déclaré et tout le monde le respecte. Ensuite, le déconfinement est annoncé alors que nous continuons à avoir des infos concernant de nouveaux cas déclarés. Pas étonnant que certains préfèrent prolonger un peu leur séjour à domicile !

Ensuite, vient notre besoin d'appartenance, et de nous sentir aimés inconditionnellement. L'être humain est un animal social, nous avons besoin de fonctionner ensembles, et nous avons besoin de nous sentir faire partie de. Cela explique l'importance de nos liens, le succès des réseaux sociaux, les phénomènes de mode, qu'ils soient linguistiques ou vestimentaires, l'attachement que nous avons à ce que nous appelons "chez nous". Ainsi, les mesures de confinement se sont appliquées par foyer. Les personnes vivant sous un même toit sont restées ensembles, les enfants de couples séparés ont continué à voir leurs 2 parents, les impératifs familiaux faisaient partie des motifs autorisant des déplacements et le rapatriement des personnes qui étaient à l'étranger a été une priorité dans la gestion de la pandémie. Plusieurs personnes ont choisi de partir de chez elles pour aller passer la période de confinement auprès de leurs proches. Cependant, encore aujourd'hui, les possibilités de nous réunir restent limitées et cela peut être difficile à vivre pour beaucoup.

Plus haut dans la pyramide se trouve notre besoin de reconnaissance. Nous avons besoin que les autres reconnaissent notre existence, régulièrement. Ce besoin s’exprime d’abord, au début de notre vie, par une soif de stimulations physiques : être touchés physiquement. C'est vital !  Puis, en grandissant, nous apprenons ensuite à satisfaire ce besoin de plein de façons différentes, y compris par des stimulations symboliques comme des encouragements, des responsabilités, des cadeaux, des félicitations par exemple. Le besoin d'être touché reste cependant au cœur de notre besoin de reconnaissance. Or, dans les mesures de confinement, il y a les fameux gestes barrières qui visent à limiter au maximum les contacts physiques avec les autres. Ils se retrouvent réservés uniquement au cercle familial proche. Dans nos sociétés où ils étaient déjà un peu tabous, cela nous invite à faire preuve de créativité pour prendre soin de ce besoin.

A la couche supérieure se trouve le besoin de réalisation de soi. De faire ces choses où nous nous sentons vivants, où le simple fait de les réaliser nous met en énergie. Pour les repérer, il suffit d'écouter la joie qui se manifeste lorsque nous les faisons. Ce sont souvent des choses que nous pouvons négliger car elles nous semblent faciles, et, dans nos modes de fonctionnement, il est rare que nous ayons de la reconnaissance pour ce qui est fait avec plaisir et aisance. Pourtant, c'est bien dans ces choses-là que se cache notre épanouissement. Cette période où nos activités sont chamboulées peut être justement l'occasion d'identifier ce que nous ne pouvons plus faire et qui nous manque ou de découvrir de nouvelles activités qui sont beaucoup plus ressourçantes pour nous.

Au dernier étage de notre pyramide des besoins, il y a un ingrédient fondamental qui donne du goût à notre vie : le sens que nous y mettons.  A la fois dans le sens comprendre, que cela nous semble cohérent, logique, et aussi dans le sens inspiration. Nous avons besoin de sentir que nous œuvrons pour quelque chose qui nous inspire, où nous nous sentons alignés, qui nous semble juste au sens justesse.

Comme nous l'avons dit tout à l'heure, nos émotions nous indiquent des besoins. Nous pouvons donc faire des liens entre ce que nous sentons et nos niveaux de besoin. Ainsi, à l'aide de notre tableau précédent, dans chacune de nos 4 cases nous pouvons indiquer le besoin associé.

Quand nous avons peur, nous avons besoin de sécurité. Quel est le danger dans notre situation ? Quels sont les éléments qui concernent notre logement, notre santé ou notre approvisionnement qui sont remis en cause ?  Que pouvons-nous faire pour nous en protéger ?

Quand nous sentons de la colère, nous avons besoin soit de faire respecter notre territoire, soit de reconnaissance, soit de nous remettre en cohérence avec nos valeurs. Qu'est-ce qui ne nous convient pas dans la situation (et c'est bien dans la situation, pas chez l'autre ou chez nous-mêmes, la distinction est de taille !) ? Quelle limite ai-je besoin de poser ? Comment puis-je le faire de manière bienveillante ?

Quand nous nous sentons tristes, c'est que nous avons des choses à lâcher, à accepter. Nous avons besoin de nous ressourcer. Qu'est-ce que nous avons perdu et qui ne reviendra jamais ? Comment pouvons-nous prendre soin de nous en cette période ? Auprès de qui pouvons-nous trouver du réconfort ?

Et enfin, quand nous éprouvons de la joie, c'est que cet aspect de la situation est bon pour nous, nous permet de nous réaliser. Nous avons besoin de l'investir, de le renforcer, et de le célébrer. En quoi sommes-nous satisfaits ? Que pouvons-nous faire pour le développer ? Qu'est-ce que nous avons fait dont nous sommes fiers ? Quelle qualité cela a mobilisé chez nous ? Comment pouvons-nous fêter ça ?

Là, nous avons déjà quelques pistes d'actions qui émergent. Nous pouvons prendre un temps pour les identifier en les listant à part ou en les surlignant par exemple.

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Nos envies

Maintenant que nous avons identifié ce qui se passe concrètement, ce que nous ressentons et nos besoins, plusieurs options se présentent.

Peut-être que la situation telle que nous la voyons nous convient bien et nous souhaitons la développer, l'entretenir et la partager (l'émotion dominante est la joie). Ou bien la situation ne nous convient pas mais nous ne souhaitons ou pouvons pas la changer et avons besoin de l'accepter (la tristesse va nous y aider). Autre possibilité, nous percevons un danger (merci la peur) et cherchons à nous en protéger. Il se peut également que des choses ne nous conviennent pas et que nous voulions un changement (l'irritation ou la colère nous l'indique). Nous pouvons alors explorer ce que nous souhaiterions, imaginer une situation qui nous conviendrait, où nous serions satisfaits, dans ce qui dépend de nous.

Pour cela, nous avons un atout très puissant : nos envies. Au sens de ce qui nous met en vie, de ce qui nous donne envie de vivre. Il s'agit de nous connecter à ce qui nous fait plaisir, qui nous fait rêver, comme si nous faisions une liste au père Noël. En effet, nos envies, notre énergie de vie, nous donnent des indications sur la manière de répondre à nos besoins. Quand nous avons faim par exemple, nous pouvons avoir envie d'une salade ou d'un copieux plat de pâtes. D'ailleurs, nous n'avons pas les mêmes envies en été et en hiver. Bien évidemment, nous n'avons pas à répondre à toutes nos envies, et surtout, il est important de les distinguer de nos besoins. Nous pouvons très bien avoir envie de passer du temps avec une personne en particulier, mais nous avons besoin de lien, et il nous est possible d'en trouver ailleurs qu'auprès de cette personne-là. Peut-être avons-nous envie d'une glace, mais nous n'allons pas mourir de faim si nous mangeons autre chose. De plus, certaines de nos envies sont contradictoires : d'une part, nous avons envie de partir en vacances et d'autre part de limiter nos déplacements par exemple. Par contre, ce n'est pas parce que nous ne répondons pas à toutes nos envies qu'il ne faut pas les écouter. Au contraire d'ailleurs. Si nous ne les accueillons pas, que nous luttons contre elles, soit elles auront une fâcheuse tendance à devenir compulsives, soit nous vivrons comme des automates, sans vraiment nous sentir satisfaits.

Ecouter nos envies, c'est donc nous connecter à notre énergie créatrice pour agir sur le monde, c'est contacter la joie de rencontrer nos besoins de manière adaptée.

Pour nous entraîner à les écouter, nous pouvons simplement utiliser l'écriture automatique, c'est à dire laisser sortir tout ce qui nous vient, sans trier. Il peut être utile de commencer cet exercice par un petit temps de relaxation en écoutant de la musique ou en faisant une méditation par exemple. Puis, nous nous centrons sur la situation que nous souhaitons voir évoluer et nous notons toutes les pensées qui nous viennent, (quel que soit le vocabulaire qu'elles emploient !), pendant 5 à 10 min. Les envies très utopiques sont aussi les bienvenues, elles correspondent à notre besoin de sens !

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Être éclairés par le sens

 Nous l'avons vu tout à l'heure, le sens fait partie de nos besoins. Nous ne pouvons pas fonctionner durablement dans un environnement ou une activité qui n'a pas de sens pour nous. Nous avons choisi de nous y attarder quelques instants car cela fait un moment maintenant que nous observons de plus en plus de crises de sens dans nos sociétés. Nous avons même choisi de désigner une génération entière d'après cela, la génération Y (qui vient de l'Anglais why ? = Pour quoi ?). En effet, beaucoup des enjeux du monde actuel peuvent s'expliquer facilement par le manque de sens dans ce que nous vivons, faisons, observons. Les burn out, le stress au travail, les dépressions, les enjeux climatiques, les phénomènes migratoires, les réactions si étranges de certains journalistes, syndicats ou gouvernements, ou encore les enjeux de positionnement que nous avons face au confinement ou au déconfinement. Ainsi la situation actuelle, selon nous, fait partie de cette série de crises de sens auxquelles nous sommes de plus en plus confrontés.

Identifier ce qui fait sens pour nous, c'est à dire ce qui, à la fois, nous inspire, est logique et répond à nos besoins, procure une forme d'apaisement, de justesse et d'alignement. Cela nous permet de faire le choix entre les différentes envies qui nous traversent, tout en rencontrant nos besoins. En d'autres termes, c'est ce qui nous permet d'identifier ce qui est essentiel pour nous et de le mettre au cœur de nos vies.

Le sens a cette caractéristique extraordinaire d'être au plus profond de chacun d'entre nous. Nous savons intimement ce qui fait sens pour nous, il "suffit" de nous écouter vraiment, et de nous faire confiance. Nous avons certes besoins d'aide parfois pour l'identifier. Cela pourrait être par exemple l'écoute bienveillante d'un tiers, ou la rencontre de personnes dont les sources d'inspiration rencontrent les nôtres. 

Vivre une situation inédite, confrontante, décalée, nous permet aussi d'identifier plus clairement ce qui fait sens pour nous car cela nous extrait de notre quotidien, amplifie nos perceptions et nous permet d'avoir un autre point de vue sur nos habitudes. Ainsi, l'expérience du confinement nous a peut-être permis de toucher de plus près ce qui était essentiel pour nous. Ces deux mois vont du coup nous aider à faire des choix parmi nos envies, pour privilégier ce qui rencontre adéquatement nos besoins et nous apporte une forme de sérénité.

Pour repérer le sens pour nous, nous pouvons nous demander : à la lumière de ces 2 mois, qu'est ce qui est essentiel pour moi aujourd'hui ? Y-a-t'il eu des moments où je me suis senti(e) vraiment aligné(e) ? Qu'est-ce qui caractérise ces moments ?

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Se donner des permissions et faire des choix

Voilà, nous sommes presque au bout de notre moment de recul. Reste maintenant à choisir comment nous allons agir. Reprenons la liste de nos envies. Nous pouvons commencer par faire un premier tri, en barrant celles qui sont déjà passées, en entourant celles qui nous semblent adaptées, et en soulignant celles qui nous font vraiment envie mais nous semblent un peu décalées. Par exemple, nous pourrions avoir envie d'une grosse part de gâteau à la crème, mais en fait, nous n'avons qu'un peu faim et nous nous sentons tristes et avons besoin de réconfort. Nous sommes alors prêts pour compléter notre liste d'action en répondant à 2 questions : "que pouvons-nous faire qui va dans le sens de nos envies qui nous semblent adaptées ?", et "que pouvons-nous faire pour répondre aux besoins sous-jacents de nos envies un peu décalées ?" Pour reprendre notre exemple de gâteau à la crème, pour répondre aux 2 niveaux de besoin en jeu, nous pourrions plutôt manger quelques noix et appeler une personne que nous apprécions beaucoup.

 Nous voici donc avec une liste d'actions potentielles. Comment choisir ? Par où commencer ? Là, nous pouvons utiliser le sens pour nous éclairer et supprimer ce qui n'en a pas vraiment pour nous. Ensuite, nous pouvons sélectionner une action par niveau de besoin identifié, en vérifiant qu'aucune ne va être au détriment des autres niveaux de besoin. Bien sûr, une même action peut répondre à deux niveaux de besoin différents.

Pour finir, nous pouvons nous donner deux permissions : 

1 - de nous ajuster au fur et à mesure de notre cheminement, de remettre en cause nos décisions à la lumière de ce qui se passera réellement

2 - de commencer par ce qui nous semble le plus simple, le plus à notre portée, en nous rappelant que tout chemin, même le plus difficile commence par le premier pas.

Nous espérons que cet article vous aura aidé à avancer dans ce moment où nos repères sont si chamboulés. 

Si vous voulez être accompagnés dans votre prise de recul, n'hésitez pas à nous solliciter, nous sommes là pour vous :-)

A bientôt !