Utiliser notre temps - à nous de choisir ! 

Ah le temps... Nous vivons habituellement dans une société très rythmée, "à cent à l'heure" comme nous l'entendons souvent, où nous nous entendons souvent dire "je n'ai pas le temps". Nos vies sont bien remplies, elles débordent même un peu parfois. Beaucoup de ces choses qui remplissent nos vies, nous les faisons par habitude. C'est pratique, ça évite que nous nous posions trop de questions, ça nous rassure et renforce notre zone de confort.

Et puis voilà qu'une pandémie vient tout chambouler ! Non seulement nous sommes confrontés à des deuils, à du stress à gérer, mais aussi à l'utilisation de notre temps, que nous ne pouvons plus faire par automatisme, "comme d'habitude". 

En effet, pour la plupart d'entre nous, avec le confinement, notre emploi du temps a significativement changé. Ces évolutions soudaines nous amènent à trouver de nouvelles façons d'utiliser notre temps pour pouvoir continuer nos vies tout en nous adaptant aux défis liés à la pandémie. Ces changements sont plus ou moins choisis et conscients, certains peuvent être bienvenus et d'autres plus difficiles à vivre.

Et si c'était l'occasion de prendre du recul sur notre façon d'utiliser notre temps ? Si nous en profitions pour contacter nos besoins et choisir des activités qui nous nourrissent et nous font du bien ? Pour nous aider dans cette introspection, faisons connaissance avec un modèle issu de l'analyse transactionnelle, qui s'appelle la Structuration du Temps.

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La structuration du temps, c'est quoi ce truc ?

La richesse de cette approche, c'est qu'elle met en lien deux besoins fondamentaux des êtres humains : le besoin de reconnaissance et le besoin de structure. 

Le besoin de  reconnaissance correspond à notre besoin de nous sentir en lien avec les autres. Il s’exprime d’abord, au début de notre vie, par une soif de stimulations physiques : être touchés physiquement. Et c'est vital ! Un bébé qui n'est jamais touché a de graves enjeux de santé physique et mentale. Puis, en grandissant, nous apprenons ensuite à satisfaire ce besoin en recevant également des stimulations symboliques comme des encouragements, des responsabilités, des honneurs, des félicitations par exemple. De plus, nous allons développer aussi le besoin de donner de la reconnaissance à l'autre : d'être présent pour l'autre, de faire des compliments, de toucher l'autre. Et oui, tout au long de notre vie, le besoin de stimulations physiques reste une des clés du besoin de reconnaissance, ce qui laisse songeur en ces temps de distanciation sociale, ...

Le besoin de structure, quant à lui, correspond à notre besoin de repères, de prévisibilité. Notre emploi du temps nous sert à cela, c'est la manière dont nous structurons nos journées, du lever, au coucher, en passant par le temps que nous passons à préparer des repas, à nous occuper de nos enfants, à être en réunion, à échanger avec des clients, à nous déplacer, à nous occuper de nous-mêmes. Il nous permet aussi de planifier nos vacances, d'organiser nos weekends, de cadencer nos semaines de travail. Nous avons du mal à faire face à des longues périodes au cours desquelles nous ne savons pas trop ce qui est en train de se passer et où rien n'est prévu. Cette soif de structure fait d'ailleurs le succès de l'industrie du divertissement qui nous propose une multitude de manières d'occuper notre temps, certes parfois un peu passives, mais qui nous évitent de nous confronter au vide et à l'ennui.

Vous aurez probablement fait le lien, ce sont précisément ces deux besoins qui ont été fort impactés par les mesures mises en place pour aider au travail du monde médical et pour sauver des vies. Les contacts physiques sont incroyablement réduits, et beaucoup de nos projets sont en suspens, annulés ou reportés à plus tard. Ainsi, même si nos besoins biologiques sont rencontrés, nous pouvons vivre un certain inconfort car ce que nous avions mis en place pour satisfaire nos besoins de structure et de reconnaissance ne fonctionne pas dans la situation actuelle. 

D'après Eric Berne, fondateur de l'Analyse Transactionnelle, nous avons 6 manières de structurer notre temps. La particularité de cette approche c'est que la différence entre les 6 n'est pas le type d'activité que nous allons entreprendre, mais l'intensité de la reconnaissance que nous allons échanger. C'est un peu comme pour les aliments. Nous pouvons les classer par types de nutriments qu'ils apportent (protéines, glucides, lipides, vitamines, minéraux etc...). Nous avons besoin de tous ces nutriments en apports plus ou moins élevés suivant notre âge, notre morphologie, notre métabolisme, la période de notre vie, notre état de santé, notre activité ou notre humeur du jour. Nous pouvons alors choisir en conscience nos aliments pour les nutriments qu'ils nous apportent et ainsi équilibrer notre nourriture. 

La Structuration du Temps peut donc être très utile car elle nous permet de prendre du recul par rapport à nos habitudes, et de comprendre en quoi elles répondent à nos besoins.

Découvrons maintenant ces 6 modes.

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Le retrait

Le retrait est, comme son nom l'indique,  l'espace-temps pendant lequel nous n'avons pas d'interaction avec les autres. Nous ne sommes pas dans l'échange avec les autres, ni  physiquement, ni par la parole. Nous sommes juste en relation avec nous-même, ce qui est déjà beaucoup !

Il y a des temps de retrait physiologiques, comme le sommeil. Mais nous avons aussi plein d'autre formes de retrait : la méditation, la contemplation d'un coucher de soleil, un moment de solitude, être dans ses pensées (même au milieu d'une réunion à 20 personnes), etc... Le retrait, c'est mettre les échanges relationnels en pause. Les temps de déplacement, de transport, peuvent aussi représenter des temps de retrait si nous sommes "dans notre bulle". Ainsi, nous pouvons être avec de la musique sur les oreilles dans un métro bondé et être quand même dans un moment de retrait. D'ailleurs, si quelqu'un venait nous parler à ce moment-là, nous serions surpris, peut-être aurions-nous même un sursaut, et nous aurions besoin d'un petit moment avant de réagir ou de répondre à sa question.

Le retrait est le mode de structuration du temps dans lequel il y a le moins d'échange de reconnaissance avec d'autres puisqu'il n'y a pas d'interaction. Nous avons chacun besoin de retrait, dans une quantité qui varie d'une personne à l'autre et suivant les moments de notre vie. Nous ne pourrions pas être sans arrêt dans des interactions avec les autres, nous avons besoin de temps pour assimiler, digérer, prendre du recul. 

Ce temps de confinement, avec la réduction des contacts sociaux qu'il entraîne, peut multiplier les occasions de retrait. Certains apprécieront ce changement, car il sera propice à une intériorité, à une pause bienvenue.  Pour d'autres, le fait de se retrouver 24h/24 dans le même lieu et avec les mêmes personnes n'est pas nécessairement facile et peut desservir notre besoin de retrait, soit en le suralimentant, soit au contraire en le sous-alimentant. En effet, le retrait peut se mesurer aussi par rapport à une relation en particulier. Aller au travail c'est potentiellement nous mettre en retrait par rapport à nos relations familiales et c'est sain et adapté dans bien des cas.

Par ailleurs, souvent, dans les moments de retrait où nous ne savons pas quoi faire, nous regardons la télévision, des séries ou des vidéos, et nous écoutons les informations. Or, il y a des formes de retraits plus ou moins ressourçantes. Ces occupations-là peuvent représenter une forme de retrait un peu toxique, car ce sont souvent des sujets négatifs et anxiogènes qui sont diffusés. De plus, elles peuvent aussi être une sorte de fuite, car nous ne sommes pas vraiment connectés à nous-mêmes dans ces moments-là. Se promener, jouer ou écouter de la musique, ne rien faire ou faire des choses pour soi peuvent être des alternatives de retrait plus profitables. 

Et vous? Quelle est la quantité de retrait dont vous avez besoin ? Est-elle atteinte, dépassée, insuffisante ? De quelle manière êtes-vous en retrait ? Est-ce bon pour vous ? Que pourriez-vous faire pour prendre soin de votre besoin de retrait ?

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Le rituel

Lorsque deux humains se rencontrent, il est utile pour eux de savoir comment ils vont se saluer. Se saluer, c'est du rituel. Le rituel est un mode d'échange relationnel prévisible, codifié qui laisse peu de place à l'imprévu. Cela peut être des salutations, mais aussi des échanges systématisés qui ont lieu au début ou à la fin d'une rencontre comme offrir un verre d'eau ou un café, reconduire à l’ascenseur, demander comment ça va sans attendre vraiment de réponse, dire "ça va" que ce soit le cas ou non... Cela permet de gérer, brièvement et sans trop de stress les moments de rencontres et les moments de séparation. Cela peut être aussi d'autres formes d'échange comme les rituels qui ont lieu dans les différentes formes de célébration (messe, mariage, funérailles) ou ceux qui sont établis dans les relations professionnelles ou personnelles : la pause-café, le verre du vendredi soir, le jogging du dimanche matin, faire un séminaire annuel dans l'entreprise... 

Le rituel permet un échange de reconnaissance plus important que le retrait. Il prépare le terrain pour d'autres formes de relation, et nous permettent de nous sécuriser dans l'échange avec l'autre. D'ailleurs, lorsque le rituel auquel nous nous attendons n'a pas lieu (ex: la personne ne nous serre plus la main ou ne nous offre plus le café habituel, ...), nous pouvons nous sentir fortement déstabilisés. 

En fait les rituels contribuent à structurer notre société. Ils varient d'une culture à l'autre, et permettent de distinguer les personnes qui appartiennent à un même groupe social et les autres.

Si nous y pensons, il y a pas mal d'activités ritualisées dans notre emploi du temps. Cela peut être le marché du samedi matin, le sport du jeudi soir, les courses aux supermarché, les mariages pendant l'été, les vacances de printemps ...Chacune de ces activités est une occasion assez prévisible de contacts sociaux. D'ailleurs, si nous ne croisons pas telle personne en allant au marché, nous allons trouver cela étrange, nous demander ce qui lui arrive. Lorsque les rituels ne sont pas respectés, une inquiétude monte.

Et, pas de chance, dans cette période où la peur est déjà présente pour notre santé et celle de nos proches, nos rituels sont fortement bousculés. Nous évitons de nous embrasser ou de nous serrer la main, nous ne pouvons plus aller offrir le café à nos collègues, ni aller au marché le samedi matin. Nous pouvons le vivre comme une privation déstabilisante car cela nous prive finalement d'une source de reconnaissance qui n'est pas négligeable et d'une structure rassurante. Nous inventons du coup d'autres formes de rituels comme se toucher le bout du pied, se laver les main avant et après une rencontre, ou faire des visio-conférences hebdomadaires avec notre équipe.... 

Par ailleurs, certains rituels très importants comme ceux qui ont lieu lors de funérailles, sont réduits à leur plus simple expression. Cela représente une épreuve difficile, car ces rituels favorisent aussi l'expression des émotions, et nous aident à faire le deuil. 

Nous sommes donc invités à revoir nos rituels, en inventer d'autres ou peut-être même à explorer d'autres formes de structuration du temps qui rencontreront davantage nos besoins.

Et vous, votre besoin de rituel est-il satisfait ? Y-a-t’il des rituels importants dont vous êtes à présent privés ? Avez-vous inventé d'autres formes de rituel ? Que pourriez-vous faire pour prendre soin de votre besoin de rituel?

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Le passe-temps

"Quel temps fait-il chez vous? Comment est la circulation aujourd'hui?  Tu as vu la dernière destination de vacances à la mode? Tu connais la dernière? Tu as vu cette vidéo sur YouTube?" Ces types d'échanges sont des illustrations du passe-temps. Dans ce mode, nous échangeons sur des sujets où nous nous impliquons peu, qui permettent de passer le temps sans trop nous engager personnellement, donc sans trop de risque psychologique perçu. Ce sont des conversations que l'on a pour se changer les idées, pour échanger sur des sujets sur lesquels chacun a souvent quelque chose à dire, que ce soit une info, un avis, une opinion ou une remarque rigolote. Le fait de partager des idées sur ce genre de sujet permet de mieux connaître les autres, de donner et de recevoir de la reconnaissance sans prendre trop de risques. Ces échanges peuvent durer longtemps et cela passe donc le temps, comme son nom l'indique si bien.

Dans ce mode, il n'y a pas d'objectif autre que l'échange lui-même, c'est centré sur la relation. Le ton peut être léger et joyeux, mais nous pouvons aussi passer le temps en évoquant un passé nostalgique - tu te rappelles, c'était le bon temps... - ou en critiquant les personnes (les autres bien-sûr) ou les événements extérieurs: le gouvernement qui n'est pas assez ceci ou cela, les gens qui ne respectent pas le confinement etc... Les dîners ou cocktails mondains, les chats et les réseaux sociaux sont particulièrement propices au passe-temps.

Pendant la période que nous vivons actuellement, de nombreux espaces habituels de passe-temps ne sont plus disponibles : la pause-café au bureau , la soirée entre amis, les activités culturelles et sportives, les voyages d'agrément, ... Là encore, nous nous sommes peut-être déjà adaptés en devenant plus actifs sur les réseaux sociaux, en prenant des e-apéros réguliers avec nos familles et amis, ou en redécouvrant cette possibilité merveilleuse qu'offre notre smartphone et dont nous nous servons si peu : appeler les gens et prendre de leurs nouvelles. 

Il paraît que l'on apprécie vraiment quelque chose que lorsqu'on nous l'enlève. Ainsi, nous retrouver privés de ce mode de rencontre des autres et de la reconnaissance associée peut être pour nous l'occasion de revisiter le sens de ces moments. Quelles rencontres nous manquent vraiment ? Qu'est-ce que nous apprécions dans nos nouveaux passe-temps ? La période actuelle est propice pour distinguer ce qui est essentiel, ce qui est accessoire et ce qui est superflu dans nos passe-temps. Parfois c'est le rapport coût-bénéfice qui nous interrogera. Par exemple, nous pouvons nous rendre compte que, finalement, à force d'échanger des critiques, certes, nous sommes stimulés et nous nous sentons en lien, mais nous nous sentons aussi lassés, un peu démoralisés, notre entrain baisse. D'autres fois, nous prendrons conscience de l'importance des relations que permettent ces passe-temps. Par exemple, nous nous rendrons compte que telle personne, que nous croisions à notre club de sport et avec qui nous avions des conversations sympas, nous manque.  Nous pouvons aussi être attentifs au plaisir que nous prenons aux moments de passe-temps que nous vivons actuellement. Ainsi, lorsque nos passe-temps précédents seront à nouveau possibles, nous pourrons mieux les savourer ou peut-être aussi, décider de les faire évoluer. 

Et vous, quels sont les modes de passer le temps qui vous plaisent et vous nourrissent le plus ? Votre besoin est-il rempli ? Avez-vous besoin d'en réinventer pendant cette période ?

Tiens, ces questions de fin de paragraphe sont en train de devenir un rituel ;-)

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L'activité

L'activité consiste en des échanges orientés vers la réalisation d'un but commun, identifié. C'est le mode de structuration du temps par excellence de la vie professionnelle mais cela peut être aussi bricoler ensemble pour construire un abri dans le jardin, ou préparer un repas ou un voyage ensemble. A l'inverse du passe-temps, dans l'activité, la relation est au service d'un objectif extérieur, central. Et oui ! Atteindre des résultats, réaliser des choses est stimulant et même parfois vital pour nous, les humains, s'il s'agit par exemple de moissonner, construire des maisons, faire des masques ou nettoyer les océans.

C'est une manifestation de notre énergie créatrice et de nos talents. A travers l'activité, nous obtenons pas mal de reconnaissance, en particulier pour l'atteinte ou non de nos objectifs. Et comme l'être humain est un être profondément social, nous serons d'autant plus stimulés que nous aurons contribué à un projet collectif.

Pour beaucoup d'entre nous, une grande partie de nos activités professionnelles et de loisir est suspendue pendant cette période ou devient plus difficile à réaliser car nous avons d'autres activités à mener, comme par exemple nous occuper des devoirs de nos enfants ou cuisiner tous nos repas au lieu d'acheter un sandwich déjà tout prêt. Pour d'autres, nos activités professionnelles sont démultipliées et prennent tout notre temps. Vivre cela peut être difficile, car nous sommes privés de sources importantes de réalisation et des repères qu'elles apportaient.

Cet arrêt subit de certaines de nos activités crée un vide qui peut être fertile, ou un trop plein dont nous avons à nous protéger. Cela nous invite là aussi à donner du sens à ce que nous faisons. Une fois que nous avons fait le deuil de ces activités dont nous sommes privés, nous voici aptes à profiter de l'occasion pour faire des choix et organiser notre structuration du temps en conscience. Nous pouvons choisir de réorienter notre énergie vers un mode d'activité plus basique, comme faire à manger, faire en sorte d'être en sécurité, faire l'école à la maison, pourvoir à nos besoins de base. Nous pouvons aussi utiliser notre énergie créatrice pour réinventer d'autres manières d'exercer notre activité professionnelle. Bien sûr en utilisant les moyens techniques mais aussi en explorant des aspects que nous avions mis de côté par manque de temps dans le passé comme par exemple, réactiver des contacts, en profiter pour réfléchir, prendre du recul, lancer un projet que nous avions remis à plus tard ou oser nous aventurer dans quelque chose de nouveau qui nous fait peut-être un peu peur mais qui nous plairait tellement...

Et vous, comment vivez-vous l'évolution de vos activités dans cette période ? Votre besoin d'activité est-il satisfait ? De quoi faites-vous potentiellement le deuil ? Quelles nouvelles activités avez-vous démarrées ? Quelles perspectives cela vous ouvre ?

Ça se confirme, ces questions sont bien devenues un rituel :-)

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Les jeux psychologiques

Les jeux psychologiques sont des interactions dans lesquelles l'échange est en fait à deux niveaux : un niveau apparent qui ressemble à une conversation ordinaire et un niveau caché où se joue l'essentiel. Dans le niveau caché les interlocuteurs prennent généralement une position de "persécuteur", qui impose son point de vue, "sauveteur", qui veut aider tout le monde alors qu'on ne lui a rien demandé, ou "victime" qui se plaint et cherche à se faire prendre en charge. Cela donnera des choses comme : "regarde ce que tu m'as fait faire" ou "c'est toujours la même chose avec toi", ou "on peut jamais te faire confiance" ou encore "mais moi, je voulais juste t'aider".

Le terme "jeu" fait référence aux pièces de théâtre, dans lesquelles il y a des coups de théâtre. En effet, lorsqu'il y a un agenda caché dans un échange entre deux personnes cela finit à plus ou moins longue échéance par un moment de surprise, voire de stupéfaction, où chaque partie prenante se retrouve dans une situation inconfortable.

Les jeux psychologiques sont une source abondante de reconnaissance car ils correspondent à une forte intensité relationnelle. De plus, ils présentent l'avantage, d'être, somme toute, assez prévisibles dans les grandes lignes. Et c'est pour cela que nous "jouons" souvent. Le problème, c'est que la reconnaissance est surtout négative, et du coup pas très bonne à long terme pour notre santé psychologique. C'est un peu comme ces aliments industriels bourrés de sucres raffinés ou de substances chimiques : lorsque nous les mangeons nous avons une sensation de plaisir intense suivi très rapidement par un léger écœurement, nous aurons à nouveau faim assez vite. Si nous ne nous nourrissons que de cela, nous aurons des problèmes de santé, et en même temps, si nous sommes affamés, cela nous permet d'avoir un shoot d'énergie bien appréciable.

Selon Eric Berne, nous "jouons" tous et il ne s'agit donc pas de savoir si nous "jouons" mais comment nous "jouons" et si nous voulons vraiment "jouer". Ainsi, une des clés pour cheminer par rapport aux jeux psychologiques est la bienveillance. C'est très utile de commencer par la bienveillance avec nous-mêmes, car sinon, le jeu se transpose à l'intérieur de nous, et nous nous mettons à culpabiliser, à ruminer et à nous dévaloriser. Une alternative est simplement d'accepter que nous "jouons" sans nous juger, d'accueillir ce que nous vivons derrière ce rôle que nous adoptons et de prendre soin de cette partie de nous qui a plus de mal à s'exprimer.

Dans cette période de confinement, il est possible que nous soyons enclins à "jouer" davantage, à être témoins des jeux des autres, parce que nous sommes en partie privés d'un certain nombre d'autres moyens d'obtenir de la reconnaissance (réduction des rituels, passe-temps et activités) et puis aussi parce que nous vivons peut-être du stress qui est un terreau fertile pour les jeux psychologiques. Prendre conscience que le jeu psychologique est l'expression, certes maladroite, d'un besoin de reconnaissance mélangé à un enjeu émotionnel important pour nous, peut nous encourager à explorer d'autres formes de satisfaction de notre besoin de reconnaissance dans les relations.

Et vous, avez-vous déjà identifié des jeux dans votre environnement relationnel ? Dans quel mesure cela vous touche, vous implique ? Quel regard bienveillant pouvez-vous porter sur les besoin que cela exprime chez vous ? Avez-vous d'autres options ?

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L'intimité

L'intimité est la forme d'échange dans laquelle nous sommes profondément nous-mêmes tout en étant connectés à l'autre. Il s'agit d'une suite d'échanges authentiques et imprévisibles dans lesquelles nous sommes connectés à notre vécu profond  et où nous nous donnons la liberté de le partager. Cela rend l'échange imprévisible car nos émotions sont présentes, elles se manifestent de manière libre et spontanée et peuvent donc nous surprendre. Ce mode de structuration génère une forte dose de reconnaissance, nous pouvons nous laisser toucher intensément et profondément. D'ailleurs, dans ces échanges, le temps est comme suspendu, ne compte plus.

L'intimité n'implique pas nécessairement une proximité physique, ni d'ailleurs une familiarité. Nous pouvons partager un moment d'intimité avec un inconnu, le temps d'un trajet en voiture ou d'un voyage en avion (du temps où ils volaient, vous vous rappelez?). 

Comme nous touchons aussi notre vulnérabilité dans l’intimité, nous pouvons en avoir peur. Nous pouvons même éviter de vivre ce type d'interaction craignant d'être blessés, et préférer plutôt jouer. Certaines personnes ne vivent d'ailleurs jamais ce type d'interaction. 

C’est pourtant une réelle opportunité car c'est le mode de relation le plus nourrissant de notre besoin de reconnaissance. En particulier, lorsque nous vivons des émotions fortes comme dans les événements actuels, oser l'intimité, dépasser la peur de la vulnérabilité et nous donner la liberté d'exprimer nos ressentis peut être un moyen puissant de traverser en santé cette période confrontante.  Cela va nous permettre d'éviter la confusion, de faire le deuil de ce que nous avons perdu et ainsi de mobiliser notre énergie avec justesse pour agir là où c'est approprié. Bref de prendre soin de nous... et des autres!

L'intimité est donc une opportunité de croissance pour chaque individu qui la pratique. Elle l'est aussi pour la relation elle-même. En effet, elle est une piste puissante pour sortir du jeu tout en gardant un niveau élevé de reconnaissance, mais positive cette fois. Elle nous permet ainsi d'avoir des échanges vraiment résolutoires avec les autres. Quand nous sommes dans l'intimité, que nous partageons ce que nous ressentons vraiment tout en accueillant ce que ressent l'autre, les choses se simplifient souvent. Les difficultés s’aplanissent et les liens se renforcent.

Et pour vous, quel est votre rapport à l'intimité, est-ce facile, difficile ? En avez-vous la dose qui vous convient ? Quelles sont les personnes que vous pouvez identifier avec lesquelles cette profondeur d'échange est possible ? Etes-vous assez en contact avec elles ?

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Faire son propre cocktail de structures du temps

Nous avons parcouru les mode de structurations du temps dans l'ordre croissant de reconnaissance qu'ils permettent (et de risque perçu). Chaque mode a son importance et son utilité, il n'y a pas d'échelle de valeur. C'est comme un bon petit plat ou chaque structure est un ingrédient. Chaque ingrédient peut-être de plus ou moins bonne qualité et la dose est variable : une cuillère de ceci, un trait de cela ... Comme pour la nourriture, nous avons chacun nos propres goûts, qui évoluent avec le temps. Nous découvrons de nouvelles saveurs, n'aimons plus vraiment certains plats de notre enfance voire même, nous développons des allergies avec l'âge.

Cette période qui vient bouleverser des équilibres en place, est l'occasion pour nous de revisiter notre manière de structurer notre temps et d'inventer nos propres recettes. Profitons-en pour constater ce qui nous convient bien et nous en réjouir. Pour ce qui nous conviendrait moins, nous pourrions peut-être essayer différemment, en changeant la qualité d'un ingrédient, en modifiant le mix ou en ajustant les proportions par exemple, pour rencontrer davantage nos besoins. Voici une idée d'activité... partageable dans l'intimité.

Nous vous souhaitons un joyeux cocktail de structuration du temps. 

Si vous voulez échanger sur ces recettes et ingrédients, n'hésitez pas, nous sommes là pour vous :-)

A bientôt !