Le stress, prendre soin de soi et des autres

Notre société, où beaucoup de choses se veulent contrôlées, anticipées, où l’émotion est  stimulée négativement, a soudain basculé dans une période d'incertitude, hors de nos zones de confort, où une grande partie de nos activités est remise en cause, où la mort est parlée au quotidien de façon inadaptée, exagérée et anxiogène. Nous craignons pour la vie de nos proches ou la nôtre, nous ne savons pas quand nous pourrons revoir nos amis, recommencer à travailler, partir en voyage, sortir de chez nous sans autorisation...

Ce chambardement de nos habitudes est source de stress. D’autant plus que nous n'avons pas attendu la crise du COVID-19 pour être sur-stressés. Le stress était déjà identifié comme étant un des maux de notre époque, face auquel beaucoup d'énergie est déployée.

Pourtant, le stress est aussi source de motivation pour effectuer des changements dans nos vies, il nous permet de contacter des ressources que nous ne soupçonnions même pas, il est indissociable de la vie. L’absence de stress conduit à la dépression. Certes, les périodes de fort stress sont confrontantes et parfois difficiles à gérer, mais avec une bonne dose de bienveillance envers nous-même et les autres, du recul et du soutien, elles peuvent être très enrichissantes, voire même révélatrices du sens de notre vie.

Allez, en guise de mise en bouche, une petit vidéo éclairante sur le stress. Vous cliquez sur l'image et ça s'ouvre tout seul dans youtube!

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Le stress, c'est quoi au juste ?

Souvent, le mot stress est utilisé pour décrire l'état dans lequel nous nous sentons face à un événement extérieur.

En fait, stress en Anglais (et ils l’ont pris de l’ancien Français, les coquins, c’est comme « coach »)  signifie littéralement contrainte. Une contrainte, en mécanique, c'est une action appliquée à un objet qui va entraîner une déformation de cet objet. C'est beaucoup utilisé dans la construction pour concevoir des édifices qui seront capables de supporter des contraintes de poids, de torsion etc... sans s'écrouler. 

Si nous transposons au stress psychologique, c'est donc la contrainte qu’entraîne un événement extérieur auquel nous allons devoir nous adapter. La grosse différence avec une construction mécanique, c'est que nous, êtres humains, sommes non seulement soumis au stress extérieur, mais nous nous imposons également à nous même des contraintes. Cela peut paraître étrange, mais ce mécanisme a l'avantage de nous permettre de préserver des modes de fonctionnement auxquels nous sommes fortement attachés. Grâce à eux, nous obtenons de la reconnaissance, nous nous sentons appréciés, valorisés et nous gardons une illusion de contrôle. 

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Gestion du stress

 Ce n'est donc pas le stress, dans le sens contrainte, qui est problématique en soi. La contrainte, dans une dose acceptable, va même être stimulante, source de motivation et de résultats satisfaisants. C'est quand le niveau ou l'accumulation de contraintes va dépasser notre capacité à faire face que nous allons vivre de l'inconfort. Nous dirons alors "je me sens stressé" ou "cette situation est stressante" ou "je suis surmené". 

 Donc, le stress fait partie de la vie, il est même stimulant, c'est grâce à lui que nous évoluons, que nous grandissons, que nous développons nos ressources, que nous agissons. Ce ne sont d'ailleurs pas que les événements "négatifs" qui sont source de stress, les événements "positifs" comme le mariage, le déménagement, le départ en vacances, sont aussi source de stress. Le caractère "négatif" ou"positif" n'est d'ailleurs pas une caractéristique du stress lui-même mais dépend uniquement de notre vision subjective des événements et de notre relation à nos ressentis. Cela reflète donc notre vécu de la situation et non la situation elle-même. 

 Si l'on regarde la situation actuelle, les bouleversements de nos vies induits par le "confinement", associés à l'incertitude sur l'évolution de la situation, peuvent générer beaucoup de stress chez nous, ou pour aller un pas plus loin dans notre responsabilité, nous pouvons beaucoup nous stresser avec cela... Et c'est une bonne nouvelle que nous soyons en partie responsables du stress éprouvé, car cela veut dire que nous pouvons faire des choses pour changer la façon dont nous vivons nos situations de stress.

 Dans la suite de cet article, nous allons explorer quelques pistes pour gérer notre stress.

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Être conscients de nos croyances et être cool avec nous-mêmes

Lorsque nous grandissons, nous nous construisons une représentation du monde. Nous apprenons à parler, à identifier les éléments de notre environnement et à quoi ils servent. Nous en déduisons des croyances sur le monde qui nous entoure et prenons alors une série de décisions qui vont nous permettre d'interagir avec lui. Ces décisions étaient toutes utiles, pertinentes et les meilleures que nous pouvions prendre à l'époque où nous les avons prises. Seulement voilà, nous ne sommes plus les mêmes personnes que nous étions à l'époque, nous évoluons, nos ressources se sont développées, et certaines de ces décisions ne sont plus adaptées. Comme lorsque nous grandissons physiquement, nous adaptons nos vêtements et nos chaussures, à la fois dans leur taille mais aussi dans leur style, nous adaptons nos croyances et nos comportements au fur et à mesure de nos vies. Ce n'est pas chose facile, car nous y tenons à nos anciennes croyances ! Même si elles nous desservent, nous allons préférer parfois nous y accrocher plutôt que de les lâcher. C'est ce qui va générer les contraintes supplémentaires que nous nous rajoutons et qui augmentent notre stress.

Par exemple: dans notre travail, nous avons une croyance selon laquelle il faut toujours tenir les délais. Cela marche très bien en temps normal, nous sommes reconnus pour notre fiabilité. Et nous nous retrouvons en période de confinement, avec à gérer, en plus de notre travail, nos enfants et la logistique de la famille. Non seulement, nous avons à gérer le stress dû à la nouvelle situation, mais nous nous rajoutons en plus la contrainte: "il faut à tout prix que je tienne les délais" comme si rien n'avait changé, que cela ne dépendait que de nous, et que le monde extérieur n'avait aucune prise dessus.

Pour identifier ces contraintes supplémentaires que nous nous mettons, amusons-nous à repérer les "il faut...", "je dois...". Une piste est de faire une liste de choses qu'"il faut" que nous fassions. Une fois que c'est fait, pour chaque item, posons-nous la question : "et si je ne le fais pas, il va se passer quoi?", et aussi demandons-nous "et si je m'écoutais vraiment, je ferais quoi?". Nous pourrons alors nous ajuster et choisir ce que nous allons entreprendre.

Par exemple, si dans cette liste il y a:

- il faut absolument que je termine ce dossier pour ce soir sinon mon patron ne sera pas content

- il faut que je veille à ce que mes enfants aient fait 2h de lecture chacun, sinon j'aurais peur qu'ils aient du retard, mais ils savent déjà bien lire

- il faut que j'aille faire les courses, sinon il faudra que j'ouvre une conserve et je trouve ça moins bon

- si je m'écoutais vraiment, je me reposerais

Nous pouvons choisir de demander un délai pour le dossier urgent, de laisser tomber la lecture pour aujourd'hui et de demander à notre conjoint(e) d'aller faire les courses, et s'il ou elle ne veut pas, d'ouvrir la conserve exceptionnellement...pour aller nous coucher tôt et dormir d'avantage cette nuit.  

Expérimenter de lâcher un peu les "il faut...", "je dois..." va nous aider à réduire notre stress sur des choses qui, avec le recul, ne vont pas avoir tant d'importance, et donc à améliorer notre santé, ce qui, au fond, est l'essentiel.

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Recontacter notre corps et lâcher la pensée

Comme l'une des croyances dans notre société est que la pensée est centrale, une des réactions fréquentes en période de stress est de surinvestir notre mental. Il se met à tourner en boucle, nous avons du mal à dormir, notre pensée tourne à plein régime et ne s'arrête jamais. Nous ruminons. C'est en fait un mécanisme de défense pour garder une illusion de contrôle et nous éviter de ressentir vraiment. Les problèmes seraient toujours mentaux, logiques, techniques, et auraient toujours une solution. Ainsi, par rapport au défi que représente la mise en confinement de nos pays, nous pouvons commencer à réfléchir en boucle à toutes sortes de solutions pour sortir notre pays de là. Le défi devient un "casse-tête" à résoudre, alimenté par un fond émotionnel pas très clair, ni très géré, qui le rend omniprésent.

Dans la crise actuelle, ce mécanisme est amplifié par la surexposition aux médias que nous avons mise en place dans nos sociétés, avec nos nombreuses chaînes d'information et notre connexion ininterrompue aux réseaux sociaux. Les informations portent presque exclusivement sur les problèmes liés à la pandémie, comme si toute autre vie avait cessé. Nous recevons un flux incessant d'informations incomplètes ou inexactes, orientées en général vers la stimulation d'émotions peu adaptées et associées à des commentaires d'experts souvent partiels, parfois même sortis de leur contexte. Ceci va nous déstabiliser dans notre besoin de comprendre, notre envie de contrôler la situation et nos ressentis. 

De toute façon une partie de nous n'est pas vraiment rassurée car la situation est très complexe et beaucoup d'incertitudes persistent sur ce qui va se passer dans les mois et années à venir. Et oui, souvent les problèmes rencontrés lors de situations de stress ne sont pas d'ordre mental, ils sont plutôt de niveau émotionnel, et ils ne se résolvent pas dans la seule pensée.  

C'est là que notre corps et nos ressentis entrent en jeu. Certes le mental est utile, il trouve des solutions, mais le corps, lui, guérit.  Il est le siège de notre énergie vitale, de nos vraies ressources, c'est grâce à lui que nous nous sentons vivants, que nous nous adaptons et que nous grandissons, et c'est en nous rapprochant de lui que notre mental se calme.

Une façon de gérer notre stress est donc de reprendre contact avec notre corps. C'est pourquoi le yoga, la sophrologie, le sport en général, le massage sont souvent proposés aux personnes en sur-stress et en particulier lorsque leur travail est surtout mental.

L'idée ici est donc de nous trouver ou de garder une activité physique régulière, simple, dans le seul but de passer un moment de complicité avec notre corps tel qu'il est, sans jugement en se concentrant sur nos ressentis en laissant tranquillement passer nos pensées sans les retenir. C'est d'ailleurs ce que recommandent les spécialistes aux personnes confinées. Il ne s'agit pas de faire de la compétition, de chercher la performance ou de perdre des kilos, mais de reconnecter avec notre vitalité. Nous pouvons donc simplement aller nous promener, prendre 5 min pour faire de la relaxation ou de la méditation, faire des étirements, voire même simplement nous asseoir confortablement quelques instants et être attentifs à notre respiration, prendre le temps de savourer et mastiquer nos aliments lorsque nous mangeons, ou écouter un morceau de musique sans rien faire d'autre pendant ce temps.

Le mental va très certainement s'y opposer et trouver des arguments "je n'ai pas le temps", "je ne vais pas y arriver", "moi, je ne sais pas me détendre", "ça marche pas chez moi ces trucs là". Commençons déjà par cesser de suralimenter le mental. Fini les infos en boucle, les reportages à sensations ! Diminuons le temps passé devant les écrans à regarder séries et vidéos de divertissement.  Ensuite, commençons avec des petits pas, par les choses qui nous semblent jouables et soyons à l'écoute du plaisir que nous y prenons. 

Pour nous y aider, il y a sur internet tout un tas de méditations ou relaxations guidées, et d'exercices physiques. Voici aussi une page Facebook avec des vidéos de relaxation et des propositions d'exercices d'étirements.

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Nous écouter et réaliser nos envies

Une fois que nous avons fait le tri parmi les contraintes que nous nous sommes rajoutées, et que notre dialogue mental intérieur s'est un peu calmé, nous avons peut-être davantage de temps disponible pour être attentifs aux choses qui nous plaisent, nous stimulent et nous font envie. Et c'est fondamental. La joie, c'est ce qui nous permet de recharger nos batteries. Faire des choses que nous aimons et qui ont du sens pour nous, et sentir le plaisir que cela nous procure, c'est augmenter notre énergie et notre vitalité. Cela va nous permettre, en période de stress, de nous maintenir en forme, de garder de l'optimisme, et de prendre confiance pour nous adapter à la situation.

Pour certains d'entre nous, cette situation de confinement est une belle occasion de recontacter des choses simples que nous avions perdues de vue, de réveiller nos rêves d'enfants, de retrouver les envies que nous avons eues au cours de notre vie et que nous avons remises à plus tard. Cela ne doit pas nécessairement être des projets grandioses, cela peut être des choses toutes simples comme lire une BD, faire une sieste, regarder un film ou appeler un copain.

Pour d'autres, cette période est un moment de travail intense où se préserver des moments de plaisirs simples, rien que pour nous, peut s'avérer très utile pour prendre soin de nous, nous détendre, et garder le moral. 

Là encore, nous pouvons faire une liste de toutes les choses que nous aimons faire (que nous faisons peut-être déjà !), ou que nous aurions envie de faire et en faire au moins une par jour. Réaliser simplement chaque jour des choses qui nous font envie, c'est choisir d'agir sur ce qui est bon pour nous et est en cela un excellent antidote au stress. 

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Soyons fiers de nous !

Vous l'avez compris, en période de stress, nos ressources sont mises à l'épreuve. Nous pouvons, en raison d'un sentiment d'impuissance, douter de nos capacités, nous pouvons nous sentir dépassés par la situation, voire même découragés. Une alliée précieuse sera alors notre fierté, pas dans le sens prétention ou orgueil, mais cette capacité que nous avons de reconnaître nos réussites et de nous en réjouir. 

Pour cultiver cela, nous proposons de prendre un petit carnet, et, tous les jours, d'y noter une fierté et une qualité associée. Cela peut être vraiment simple comme: "aujourd'hui, je suis fier d'avoir fait 15 minutes de sieste". La qualité associée peut être la simplicité ou le courage, ou le calme, le lâcher prise, cela dépendra de chacun.

Il s'agit ici d'identifier une fierté vraiment personnelle, qui n'est pas une comparaison avec d'autres personnes. Par exemple se connecter à la joie d'avoir terminé deux dossiers davantage qu'au plaisir d'avoir travaillé mieux qu'un collègue.

Écrire, et puis même relire, de temps en temps, notre liste de fiertés, est source de joie, de confiance en nous, et nous invite à nous centrer sur ce qui dépend de nous, de manière positive. Cela nous permet ainsi de nous reconnecter à nos ressources et nous éloigne du stress.

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Développer notre réseau relationnel

L’être humain est un animal très social. La situation actuelle montre à quel point nous pouvons être dans l’entraide, solidaires, en contact avec notre besoin de lien et d’échanges.

Notre activité sociale est un déstressant puissant, à condition qu’elle soit de qualité.

Nous pouvons donc choisir d'entretenir les contacts qui sont bons pour nous, et d'éviter ceux qui ne le sont pas, tout en gardant des moments de solitude adaptés. Nous pouvons décider de passer moins de temps dans des échanges enclins au jugement, tournés vers le passé, le "négatif sensationnel" : c’est un drame, il est catastrophé, il y a un vent de panique, tu n’es pas ceci ou tu es cela … Privilégions donc plutôt les contacts où nous nous sentons rechargés en énergie, en espoir, où nous nous sentons accueillis, libres d'être nous-mêmes. Nous avons besoin de nous confier auprès de personnes … de confiance, cela nous fait vivre d’être écoutés, nous aide à gérer nos émotions (vider notre sac ! ), nous permet de prendre du recul (identifier dans quelle étape du deuil nous nous trouvons par exemple) et de sortir des impasses.

Nous aurons alors plus de facilité à nous garder des excès émotionnels, et à adopter la bienveillance. En prêtant notre oreille à l’autre, en cessant de colporter de fausses infos et de critiquer le passé (que nous ne changerons pas), en faisant déjà le ménage à notre propre porte, nous pouvons offrir aux autres des relations de qualité, dans un équilibre donner/recevoir confortable. Cela aura du sens et nous nous sentirons beaucoup mieux. 

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En résumé

Gérer notre stress en période d'incertitude peut paraître très difficile car cela nous invite à prendre en compte notre complexité d'être humain : notre mental, nos ressentis, nos besoins, notre corps, nos relations... L'invitation n'est pas de tout faire parfaitement, ou de nous juger parce que notre niveau de stress est élevé, cela ne ferait que l'augmenter. C'est accueillir ce que nous vivons, tel que nous le vivons, au moment où nous le vivons et agir sur des choses simples, qui dépendent de nous.

Comme c'est parfois utile d'avoir des outils simples pour nous accompagner, voici une petite liste récapitulative des pistes que nous vous avons proposées dans cet article :

-   Reprenons et utilisons notre responsabilité pour choisir où nous voulons aller

-   Prenons du recul par rapport aux "il faut", "je dois" et à l’agitation

-   Déconnectons-nous des écrans et sources d'infos qui démultiplient le stress

-   Gardons une activité physique sans penser à autre chose

-   Prenons soin de notre corps, donc de nous

-   Soyons attentifs à nos ressentis

-   Écoutons-nous et réalisons nos envies, lorsque c’est adapté

-   Autorisons-nous et goûtons des moments de joie simple

-   Listons et revisitons nos fiertés

-   Entretenons et développons les relations qui sont bonnes pour nous

-   Offrons une relation de qualité à ceux qui nous contactent

A vous maintenant de choisir celles qui vous parlent, là, maintenant, et que vous auriez envie d'explorer. Qu'elles fassent partie de la liste ou non, faites-vous confiance, ce sont celles-là qui sont bonnes pour vous.

Nous vous souhaitons un bon cheminement dans la gestion de votre stress et vous envoyons de bonnes ondes, légères et joyeuses. Et si vous le souhaitez, nous sommes là pour vous.

A bientôt !